Progéniture d’un forgeron que le travail du métal avait élevé auprès de l’aristocratie des fanges rurales, vous vous êtes exilé du bagne des conventions avant que la noblesse ne jetât sur vous l’empire de son or, sans vous déchoir des flèches de sagacité où leur ostentation chirurgicalement détaillée vous avait élevé. Page de quelque Lord que la dissolution des mœurs guidait jusque dans l’hermine d’appartements élisabéthains, vous vous nourrîtes des violes de Purcell que vous entendiez jouées, apprenant en grandissant que, son trépas ayant précédé de peu votre naissance, votre éon de jouvence était sous le sceau de son deuil. On jouait partout pour célébrer la grandeur britannique les morceaux de Purcell, qu’aux plus plébéiennes oreilles, les plus hérétiques, pas une note n’était étrangère, pour taire la grandiloquence tyrannique de l’italien qui avait été son frère rival, mais subordonné à la cour du monarque danseur par-delà le Channel.

Au sein de cette terre que vous travailliez comme la matière du démiurge, vous sentiez sur vos épaules que ce labeur n’était pas le salvateur toucher génésiaque qui libérait quelque fantoche au firmament de sa condition solitaire. Ainsi qu’il consentait que le bonheur ne fût pas une perspective d’existence louable, Albion lia la majesté à l’océan dont il s’éprenait plus comme d’une néréide que du tumulte d’un père courroucé. Il y voyait les impétueux caprices que ne devaient ni plier ni supplier les nautoniers, mais le couronner Sadko passionné dans ce baldaquin neptunien aux mille lieues, aux draps d’anémone et aux méduses comme des candélabres. Vous n’aviez qu’entendu parler de l’océan, mais vous en étiez épris comme les chrétiens du paradis !

Ces landes marines fuies par la foi vous ont cueilli comme un infant gerbé d’une matrice infernale où le diable aurait investi les reins d’une Lilith. Albion ne croit pas aux divinités, non ! Mais il croit au diable, car le diable est humain ! Vous vous fichez de morale, qu’importe ? Seule l’altérité pure compte, et elle n’est qu’animale quand, face à la peur, la raison cède aux désirs la souveraineté de la volonté. La justice est cruelle, et le bonheur n’existe que pour les malheureux.

He is a ferryman,
He is the Faery Man.