Que de mésaventure. Je ne vous dirai pas comment j'en suis arrivé là ; c'est la honte. J'étais dans une barque de bois, au milieu de la mer des Caraïbes. Allongé, j'avais perdu connaissance. Le soleil était levé depuis plusieurs heures. Moi, je cuisais, étendu de tout mon long, sur le dos, dans le fond de mon embarcation. Bercé par les vagues. Couvé par la chaleur des rayons de soleil. Plusieurs heures durant. Je finis par me réveiller. Je me sentais mal. Sûrement une insolation. Je me redressais. J'avais la gerbe. Je me penchais avec précaution au bord de la barque. L'eau était pure. Calme. Un peu de courant me faisait avancer. Mais au milieu de rien, je n'avais pas l'impression de bouger. La bile monta soudainement ; je la crachais par la bouche, par le nez, si j'avais pu, elle serait sortie par les oreilles. Une flaque blanche-orangée vint se mêler à l'eau. Je toussais. C'était désagréable. Mais mon impression était confirmée : appuyé sur le bord quelques minutes, la flaque de gerbe se retrouva plusieurs mètres derrières moi. J'avançais bel et bien. Et espérons-le, en direction de cet îlot que j'apercevais au loin. Je tendis le bras dans l'eau, et ramenai à ma figure autant de flotte que possible. Je me rinçais le visage, la bouche, le nez, tout L'eau fraîche me faisait du bien. Je m'éclaboussais entièrement. Je me passais de l'eau sur la nuque, dans le dos, mais surtout sur le ventre, sur les jambes, les bras, toute la face de mon corps qui fut exposée si longtemps. J'avais failli cramer, et si mes origines, dont je ne connaissais rien, ne m'avaient pas doté d'un petit surplus de mélanine, j'aurais certainement encore plus mal. J'étais enfin réveillé ; je regardais le bateau, je n'avais plus rien. Quelques vêtements étaient en boule, derrière mon dos. Je m'en étais servi de coussin, comme en témoignait ce creux du à ma tête appuyée contre. Je voulus m'habiller. Mais je me résignais, il fallait que je refroidisse. Examinant mon lit improvisé, je finis par réaliser qu'une rame était calée contre le bord. Pourquoi ne l'avais-je pas vue plus tôt? Cela faisait bien un quart d'heure que j'avais ouvert les yeux. Je m'étirai. Il ne valait pas mieux que je fasse du sport, et pagayer jusqu'à la rive la plus proche allait prendre plus d'une heure. Mais si je restais exposé au soleil ainsi, j'allais finir desséché. C'était décidé. J'y allais. J'empoignais la rame. Je commençais à pagayer, un coup à gauche, un coup à droite. Je m'arrêtais toutes les cinq minutes pour m'asperger d'eau. Je me sentais mieux. Mal, mais mieux. Un nuage osa se dresser contre le soleil. Cela me fit du bien. Mais ce ne fut que de courte durée ; aussi, je me fis plomber par la chaleur quelques instants après. Presque deux heures plus tard, j'arrivais enfin. Je ne savais pas si c'était mieux ; au premier abord, on aurait dit une île déserte. Celles-ci étaient toujours blindées de bêtes sauvages et de fauves qui pourraient me confondre avec leur dîner. Et je n'étais pas armé. À quelques mètres de la berge, j'avais pied. Je sautais de la barque. Cela me fit énormément de bien. Tellement de bien.. J'aurais pu m'endormir dans l'eau. Hum. Mauvaise idée. Je tirais la barque jusqu'au bord de l'eau, et la sortis même afin qu'elle ne reparte pas. Au cas où, je la tirai même sur le sable quelques mètres. Si jamais je me trouvais dans l'océan, la marée pourrait me surprendre. La végétation me prouvait que l'eau ne montait pas plus loin que de quelques mètres de là, aussi, je posais la barque, la retournais, et me planquais dessous. C'était humide et ombragé. Rien de mieux pour moi.. Je m'y endormis alors, exténué par l'hyperthermie ainsi que mes efforts. En espérant ne pas croiser une bestiole chelou sous mon petit refuge. Soudainement, des bruits sourds. Ils résonnaient sous ma coque de bois. Et ça me faisait mal à la tête. En plus, j'étouffais sous ma barque. Je la soulevais. Woaw. Il faisait nuit. Des gens faisaient la fête. L'air était presque frais. On me remarqua. Une dizaine de visages me regardait avec des yeux ébahis. Je pris peur. Mais ils voyaient en moi un nouveau compagnon de jeu. Je ne tardais pas à l'apprendre. Il y avait des noirs et des blancs, tous pratiquement dénudés et tatoués de toutes parts, de motifs rouges et blancs. Où avais-je pu arriver? Un homme blanc vint à moi. Il me causa en espagnol. Ce n'était pas la langue où j'étais le plus à l'aise. Mais depuis mon exil j'avais dû quitter les USA et l'anglais pour les Antilles et l'espagnol qui y régnait. Il me demanda mon nom. Je lui répondis. Il me tendit la main pour m'aider à me relever, et me demanda de le suivre. Sur la plage, il y avait un feu de camp. Des gens buvaient et fumaient autour. La paix et la bonne humeur se faisait ressentir sans peine. Je n'avais jamais vu ça. Serait-ce là, l'utopie? Au premier coup d'oeil, ça en avait l'air.. On me donna un pantalon beige, sans même se soucier si j'avais déjà des vêtements. Autour du feu, hommes et femmes étaient torse-nu, pieds-nus, habillés du même pantalon que moi, et décorés de tatouages blancs et rouges. J'y eu droit également. Il s'agissait en faite de colorants tirés de fruits. Arborant de nouvelles couleurs, je profitais de ce nouveau monde dans lequel j'étais débarqué de gré et de force. Rien de spécial pendant deux jours. Un petit village, mixant plusieurs races humaines, en parfaite égalité, s'était établi. Les hommes et les femmes cultivaient ensemble de quoi se nourrir, d'autres allaient vendre quelques unes de leurs fabrications (pots, vêtements, etc) et achetaient de l'alcool. Mais ce qui requiert mon attention fut ce chanvre spécial, différent des autres, qu'ils cultivaient ; ils le fumaient, à but récréatif. Il m'avait retiré subtilement toute douleur le premier soir. Il avait un parfum fruité. C'était un don du Ciel. Esseulé, j'avais voulu en fumer un, une fois. Il me fit repenser à Edward Kenway. Mon acolyte, presque un père adoptif. Celui avec qui j'affrontais le monde sans crainte. Il était resté à Tortuga. Qu'allait-il devenir? Allais-je le revoir? Trop de questions à la fois. Je ne devrais pas fumer ça tout seul, je partais trop loin, sans rien pour me raccrocher à la réalité. J'avais faim, en plus. Un groupe d'hommes prenait leur déjeuner avant de partir acheter de l'alcool sur une île marchande non loin. Je les rejoins donc. Mais avant que je ne puisse me servir, un cri transcenda le village et cousu le clapet de tout le monde. Une femme, apeurée, annonça qu'une amie à elle venait de tomber. Un groupe d'homme venait de débarquer, ils étaient armés : flingues et sabres en tout genre.. Nous, nous avions des coutelas, des bâtons et à la limite, des bouteilles cassées. Mais ils étaient sept. Nous, une bonne vingtaine. Peut-être un peu plus.. Les plus braves hommes se réunirent donc pour un pourparler avec l'équipage arrivant. Six hommes. Ils traversaient le chemin habituel, qui avait fini par se démarquer par l'herbe écrasée sur plusieurs mètres de large au milieu de cette pelouse d'hautes herbes de plus d'un mètre. Les sept badboys mettaient bien leurs armes en avant. Ils donnaient leurs instructions. Les villageois ne semblaient pas vouloir de conflit. Pendant ce temps, je m'étais faufilé dans les herbes, en faisant un immense détour. Je contournais la zone, et rejoint l'eau. Par chance, il y avait des tonnes d'algues noires. Elles me permirent d'approcher à la nage le bateau. Car oui, j'avais ce luxe, celui de savoir nager. Ils avaient jeté l'ancre, et avait accosté la plage à l'aide de plusieurs barques. Aussi, je profitais de cela pour m'accrocher à la chaîne de l'ancre, et grimper. J'arrivais furtivement à la proue du bateau. Quelques coups d’œil. Personne. Peut-être quelqu'un était-il caché. Mais les brutes sûres d'elles-mêmes ne se méfiaient pas assez. Et sur une petite île comme celle-ci, personne n'oserait les défier. Ils ne laissèrent donc personne pour faire le gai. Je me hissais donc sur le bateau, et observait le pont. Quelques merdes par-ci par-là, mais rien qui permettait de se battre. J'enfonçais une porte ; inutilement, elle n'était pas fermée à clé. Il s'y trouvait quelques vieux flingues chargés et un sabre. Une dague, aussi. C'était parfait. Je pris un sabre et une dague, que je tenais d'une seule main. Je pris aussi un flingue, que j'essuyais contre mon pantalon, avant de mettre à la bouche. On ne sait jamais, peut-être que l'ancien utilisateur s'était gratté les couilles avant de s'en servir. Je le tins avec les dents. Je plongeais ensuite du pont, me rattrapant à la chaîne au dernier moment, pour ne pas que ma tête finisse sous l'eau. J'avais un flingue et si la poudre mouillait, j'serai dans de beaux draps. Je repris la nage en direction des algues. Arrivé à la plage, je regardais les pirates. Deux étaient en train de remplir une barque de ce qu'ils volaient. Les cinq autres criaient sur les villageois, en se marrant. Je me rapprochais d'eux furtivement. À environ dix mètres d'eux, je glissai ma dague sous ma ceinture, et je pris mon flingue en main. Je marchais quelques pas furtivement vers eux, le canon pointé sur celui qui l'ouvrait le plus.
BANG.
Le coup de feu retentit dans toute la zone. L'homme tomba. J'avais bien visé. Les autres étaient surpris. Mais aussi choqués. Avant qu'ils ne réagissent, j'en empoignai un autre après m'être glissé derrière lui, en glissant mon bras sous sa gorge. Je pris en même temps, le flingue qu'il avait à la ceinture. Je le pointais sur la tempe de mon otage. J'étais face à trois hommes, à côté d'un cadavre, et les deux restants étaient les pieds dans l'eau, en train de charger leur barque. Je leur ordonnai à tous de jeter leurs flingues à l'eau. Ils le firent tous. Profitant de ma prise, je glissais ma main sous le menton de mon otage et l'autre main derrière sa tête avant de lui faire pivoter la tête avec violence. S'en suivit d'un craquement, puis, lorsque je lâchai l'homme, il s'effondra, la nuque brisée. Je ne perdis pas un instant ; je flinguais un des trois hommes faces à moi, avant de me jeter sur le flingue de ma première victime qui dépassait de sa ceinture. C'était le dernier utilisable ; puisque les autres étaient à la flotte. Ils étaient habillés trop légèrement pour pouvoir planquer quoi que ce soit dans leurs vêtements. Ils ne m'auraient pas dupé. Le canon pointé sur l'un des deux, je lui fis signe d'approcher. Il me disait non. Je fis une grimace digne des plus "pas contents" qui soient. Il se mit à bouger lentement, tête baissée, petit pas par petit pas. Je pris alors rapidement ma dague de la main gauche, avant de courir a lui et la lui planter en plein foie. Je remuai la lame dans la plaie. Un sourire machiavélique collé aux lèvres, je finis par retirer la lame avant de pousser ma victime, qui se tordait de douleur et qui vivait certainement ses derniers instants. L'avant-bras gauche recouvert de sang, je le secouai, afin de l'égoutter, avant de pointer mon arme à feu sur l'autre pirate qui commençait à bouger. Celui-ci se stoppa net. Les deux hommes à l'arrière sautèrent dans une barque et commençaient à fuir. Je marchais jusqu'à lui. Je pointais mon gun sous son menton, avant de lui sussurer un petit "bye" ; avant de lui faire sauter la cervelle. Je rechargeais ensuite le flingue. Vu l'antiquité que j'avais entre les mains je mis bien trente secondes ; mais je finis par y arriver, aussi, je tirai sur les hommes en fuite. Je touchai la barque, mais pas les hommes. Je tentais de recommencer ; même histoire. Avec un peu de chance, je les aurais touché ; en fait, je n'en savais rien, de là où j'étais. Je rechargeais donc une dernièe fois. Je grimpai ensuite sur une des deux barques restantes. Je la tirai en marchant jusqu'à ce que l'eau n'arrive à ma taille. Là, j'embarquais, et commençait à ramer à toute vitesse. Ils étaient plus lourd. Ils allaient plus vite. Je commençais cependant à les rattraper. Mais je chopais des crampes, à force. Ils finirent par atteindre le bateau. Comme moi, un peu plus tôt; ils grimpèrent par la chaîne. Pas trop loin de là, je me levai, sur la barque, essayant de me stabiliser le mieux possible. Je visais.. Et tirai. Etant l'un devant l'autre sur la chaîne, celui du haut fut évidemment ma cible. Touché à l'épaule, il lâcha; tombant sur son compatriote qui le suivit dans sa chute. Les deux hommes étaient à l'eau. Ils savaient un peu nager. Mais le blessé avait du mal, et restait de moins en moins longtemps à la surface avant de couler. Son frère d'arme essayait de l'aider, il se tint à la chaîne de l'ancre avant de ramener son ami à lui. Seulement, je n'en avais pas fini avec eux. Je rapprochais la barque, puis, à un peu plus d'un mètre d'eux, je fis un plongeon. La tête la première, les mains vers l'avant, la dague en main. À peine avais-je pénétré l'eau que la lame s'enfonça dans la chair ennemie, libérant une floppée rougeâtre sous l'eau. S'en suivit d'une courte lutte pleine d'éclaboussures d'eau salée et de sang. Puis, le calme. Je remontais à la surface, et nageais vers la barque chargée. Je les avais tous eus. C'en était fini. En quelques minutes, je me retrouvais sur la plage, acclamé par les villageois témoins.
Autour d'un bon repas, ceux qui m'avaient vu à l'oeuvre se mirent à conter mes faits ; certains me proposèrent également de m'aider à naviguer ce bateau pour me ramener à Tortuga, ce que j'acceptais volontiers. De retour sur mon île, ils me laissèrent quelques têtes de chanvre en guise de cadeau d'au revoir.