Beach pliz ~ - Colombe - (Quiconque le veut pourra s'inclure après elle)

- Un, deux, trois, quatre ti-punch! Di si ou boulé! Je me sens bien, deux d'plus et j'suis K.O.! ♫♪ ✿

Un accent étranger se laissait bercer par cet air mélodieux que je chantais en remuant une bouteille de rhum d'or que j'avais volé quelques heures plus tôt. Assis en tailleur à côté d'un feu de camp sur la plage, je faisais face à l'eau afin de contempler le magnifique paysage que m'offrait la mer des Caraïbes et le ciel qui s'y reflétait. Je portais un simple pantalon beige, usé, mais pas sale ; j'étais pieds nus, mais des chaussures étaient posées l'une à côté de l'autre non loin de moi. À côté se trouvait un manteau et un maillot, tout deux pliés proprement et posé l'un sur l'autre à côté de mes chaussures. Peu courant pour un pirate. Et sans cette apparence presque exotique il serait difficile de croire que j'en sois un. Légèrement mat de peau, j'avais les cheveux longs ; une tresse sur l'avant que je trouvais particulièrement jolie ; et des dreadlocks qui commençaient à se former peu à peu au fil des semaines passées sans me coiffer. J'avais sur le torse, les épaules et les bras une multitude de tatouages blancs et rouges en guise de décoration. Certains commençaient à s'effacer. Dommage. La soirée ne faisait que commencer. La nuit était déjà tombée depuis bien belle lurette, et je commençai déjà à être perché, mais cette plage était le lieu de rendez-vous festifs quotidiennement et il n'y avait pas d'heure limite. Ce soir, j'étais encore seul à l'approche des douze coups. Mais j'entendais des bruits de pas dans le sable. Quelqu'un approchait. Je bus une généreuse gorgée de plus, avant de me tourner vers la droite ; la source du bruit. J'y vis une ravissante demoiselle, plutôt aguichante. Nous étions sur Tortuga. Donc elle devait aussi être dangereuse. Mais nous étions ici pour nous amuser, en tout cas, c'était le cas pour moi, alors, je lui tendis la bouteille, bien qu'elle fusse encore assez éloignée ; comme pour l'inviter à s'asseoir près de mon feu.

- Salut la m'zelle! Allez, viens boire un coup avé'moi! Comment tu t'appelles hein?

Il faisait nuit. Il faisait frais. L’air de la mer, une fois la nuit tombée, avait quelque chose reposant, bien loin d’autre aussi agressif que cette même mer sous un soleil de plomb. Durant cette journée, tout autant que les précédentes, elle l’avait subi, ce soleil infâme et implacable, et le rouge vif de ses épaules, donnant écho à la flamboyante crinière qu’elle arborait avec une vanité sans borne le lui rappelait. Sans cesse. Au moindre frottement de tissu, au moins mouvement un peu trop exagéré, la brûlure se réveillait, l’animant d’un sentiment d’inconfort dont elle ne pouvait réellement se défaire.

Définitivement, Colombe haïssait le soleil.

Ou plutôt, haïssait cette vie qui ne lui laissait d’autre choix que trimer des heures durant sous un soleil qui ne montrait aucune pitié pour sa peau. Une peau qui, bien que devenue mate à force de passer du temps dehors, semblait toujours aussi fragile face aux rayons solaires. Alors oui, elle crachait sur cette vie misérable qui était la sienne, rêvant de plus, de richesse, de fortune ! Une vie palpitante, bien plus que son quotidien ridicule, à rabattre les filets et vider les carcasses de poissons, pour ensuite le empiler dans des baquets troués et laisser l’un de ses frères aller le vendre à la vermine du coin.

Mais ce soir, elle était loin de tout ça, ou du moins, voulait s’en convaincre. Chevelure rousse flottant sous la brise marine et pieds dans l’eau, la mignonette était persuadée qu’elle valait mieux que ça, que cette vie si peu intéressante, et surtout, indigne d’elle. Elle avait l’esprit vif, qu’elle clamait, trop fière de ses atouts qui n’en étaient pas vraiment. Et c’était dans sa tenue habituelle, un pantalon présentement tant rapiécé qu’il en était devenu un short, moulant ses courbes taillées par l’eau de mer, ainsi qu’une chemise de vieux lin jaunie par le sel qu’on retrouvait ici en quantité, remontée aux coudes et soulignant l’absence du moindre dessous. Après tout, pourquoi s’en encombrer ? Ce n’était ni confortable ni agréable à porter, après tout.

C’est alors qu’elle le vit, ne l’ayant jusque-là pas remarqué. Ce fut sa voix qui la tira de ses songes brumeux, un ton empli de l’ivresse d’un homme trop accroché à sa bouteille. Ou du moins, celle qu’il tenait là. Sale ivrogne, voilà ce qu’elle pensa, et l’acidité emplissait déjà sa gorge. Sale vermine qui ferait mieux de se noyer dans les vagues de cette mer d’un bleu charmant. Pourtant, une fois à sa hauteur, ce fut un sourire qu’elle lui offrit. Le plus charmant qu’elle avait en stock, prenant même la peine de répondre.

« Colombe. »

Encore quelques pas en sa direction, une main ramenant sa crinière sur son épaule, un soupir lui échappant. Elle n’avait rien de mieux à faire, après tout. Si ce n’est errer comme une âme en peine sur cette plage désolée.

Au lieu de cela, toujours ce doux sourire, un masque habile.

« C’est un peu triste de boire seul, non ? »

Et la voilà qui prit place auprès de lui, récupérant la bouteille avec une légère réticence, en prenant une gorgée lui réchauffant les tripes, avant de la lui rendre. L’alcool n’était pas son truc, mais il fallait bien faire comme si. Peut-être pouvait-elle tirer quelque chose de lui.

« Et ton nom à toi, c’est quoi ? »

D'une voix sucrée. Comme si ça l’intéressait réellement.

hrp : un poil plus long que prévu, m'enfin, faites pas attention, je me suis laissée un poil emporter.

Ça y est. Elle vint. Elle était radieuse. Son sourire magnifique. Le reflet des flammes était en harmonie avec sa chevelure. Elle prit la bouteille et but une sacrée gorgée. C'était pas une petite joueuse! Sûrement compatissait-elle de me voir boire tout seul. Quoi qu'il en soit. J'avais peut-être trouvé une partenaire avec qui traverser la nuit. Et peut-être pour les soirs à venir, qui sait ; j'avais l'habitude de les passer seules car les nouveaux sur cette île n'étaient pas tous intégrés, mais un peu de compagnie n'était pas de refus pour moi, surtout si c'est un régal pour les yeux. Elle me tendit la bouteille. Mais je lui fis signe de la main qu'elle pouvait la garder ; je penchai mon buste sur le côté où j'avais entreposé mes affaires ; je sortis de sous mon manteau une sorte de longue tige ainsi qu'un petit pochon de tissu. Il s'agissait d'un calumet ; fabriqué artisanalement, il venait de loin, il venait de mes terres d'origines. On aurait dit une longue tige de roseau long d'une trentaine de centimètre. L'embout était en spiral, avant de déboucher sur le fourneau orné d'une petite statuette en forme d'ourson.

- Et ton nom à toi, c’est quoi ?

Suite à la question de la demoiselle, je relevai les yeux à elle, étant jusque là concentré sur ma nouvelle affaire ; je lui souris avant de répondre d'un ton presque impatient.

- Oh, appelle-moi Wild. Enchanté!

Pendant que je lui répondais, j'avais ouvert mon pochon de tissu et avait sorti une petite tête d'une plante séchée ; que j'émiettais à présent dans ma paume jusqu'à qu'il n'y ait plus que de gros morceaux. Ceci fait je mis tout dans le bol de la pipe indienne en prenant la peine de tasser le futur carburant. Ne voulant pas négliger la personne qui venait d'arriver, elle qui ne pouvait rien faire d'autre que de m'observer préparer notre petit calumet de la paix, je lui montrais la bouteille d'un geste de la main afin de l'inciter à la consommation.

- N'hésite surtout pas à boire, je l'ai pas payée!

Je pris ensuite un petit bâton parmi ceux qui se trouvaient dans le feu ; je glissai la pointe embrasée dans le fourneau en mettant l'embout de la pipe entre les lèvres et enchaîné les inspirations et expirations courtes et rapides afin d'amorcer la combustion du chanvre récréatif dont je m'étais doté. Un petit nuage de fumée au ton fruité s'échappa soudainement. Je remis le bâtonnet dans le feu avant de continuer mon amorce sur la pipe et de tirer une latte digne de ce nom sur le calumet. Je me penchai légèrement en arrière tout en levant la tête vers le ciel afin d'expirer la fumée lentement en l'air. Je me tournai ensuite vers Colombe avant de ramener une nouvelle fois le calumet à mes lèvres, puis, tout en expirant de la fumée, je lui tendis la pipe en la-lui proposant.

- Quant à ça, c'est moi qui régale!

HRP : No souçaï, t'as eu la chance de te laisser emporter et - si tu fonctionnes comme moi - d'avoir pu rédiger ça d'une traite en laissant ton talent s'exprimer. Moi j'ai eu encore plus de mal que pour mon premier post et c'est vraiment limite limite. :x

Elle valait mieux que cela, n’est-ce pas ? Bien sûr qu’elle valait mieux, qu’elle question ! Ou du moins, Colombe en était persuadée. Pourtant, c’était bel et bien avec un pur et simple inconnu qu’elle se retrouvait présentement, sur la plage. Qui sait s’il n’était pas quelqu’un de fort peu recommandable, prédateur à l’affut d’une nouvelle proie. Et elle, pauvre idiote qu’elle était, elle se rapprochait, tout sourire. Naïve, trop naïve peut-être bien. Et pire que cela encore, elle acceptait son invitation, partageant sa boisson. Et dire qu’en temps normal, elle haïssait l’alcool et sa capacité à trainer l’homme plus bas que terre et que les animaux. Pourtant, elle s’était rapprochée, oui. Avait pris cette bouteille et s’était assise. Pire encore, avait répondu à ses questions, toujours avec ce sourire charmant et dégueulasse à la fois, d’une hypocrisie insoupçonnée.

Pauvre idiote que voilà.

Ce fut, par la suite, sans dire un mot qu’elle l’observa trifouiller dans ses affaires, la bouteille de liquide ambré toujours entre ses doigts. Doigts abîmés d’ailleurs, à force de tirer sur les filets, et écorchés suite à trop de maladresses avec un couteau à la main. Elle l’avait gardée, sans mot dire, bien que l’idée de se noyer dans l’ivresse ne la tentait nullement. Alors oui, elle scrutait le profil qu’il lui offrait actuellement, aucunement intéressée par ce qu’il pouvait faire. Ses mirettes azur glissaient sur les traits de son visage, des traits peu communs, plus marqués que certains. Puis, ces marques colorées sur son corps, que la flamme du feu de camp ravivait légèrement, n’avaient rien de commun elles non plus. Pourquoi donc s’intéressait-elle à cela ? Était-ce important ou utile pour elle ? Pas vraiment, non.

Un soupir quitta la rouquine, alors que l’homme, lui, répondait. Mais. Ce n’était pas vraiment un nom, ça. Elle en doutait. Restant cependant muette, une fois de plus, hochant la tête. On ne pouvait pas vraiment dire qu’elle enchantée, de son côté. Tout en faisant comme si, toujours le sourire aux lèvres, le regard brillant d’un intérêt fin pour lui, l’observant avec bien peu de discrétion.

La remarque au sujet de la boisson lui fit une fois de plus baisser les yeux vers la bouteille. Étrangement, le contraire l’aurait étonnée, tiens. De toute façon, Tortuga n’était pas vraiment une île d’honnête citoyen, mais plutôt un amas de vermines et parasites en tout genre, qui s’entassait et se marchait dessus dès que possible. Tout sauf la vie à laquelle elle aspirait, tiens. Pauvre Colombe, si douce et charmante, condamnée à vivre au milieu de sauvages mal élevés et sales ! Rien que d’y penser lui retournait les tripes. Le tout rapidement oublié après une autre gorgée, plus modeste, de rhum. Et aussi une légère grimace qu’elle masqua en détournant le visage, quelques instants à peine.

L’autre proposition, elle, la laissa perplexe, voir même méfiante, le temps d’un battement de cils. Avant de secouer la tête, lui glissant d’une voix doucement, son visage légèrement penché vers le sien :

« Je pense que je vais me contenter du rhum. Mais merci. »

Oui, toujours aussi délicieusement charmante, une plante carnivore dissimulée sous les traits d’une délicate orchidée. D’autant plus qu’elle allait bien devoir trouver de quoi sembler plus douce encore, tenir un semblant de discussion, le temps de pouvoir jauger en quoi il pourrait lui être utile.

« Et. T’es du coin ? »

Curiosité toute simple et on ne peut plus légitime. D’autant plus qu’elle ne perdait jamais de temps à tenter de retenir les visages des imbéciles vivant ici. Et puis quoi encore ? Et doucement, elle leva la bouteille à hauteur de son regard, observant l’étiquette. Chanceuse qu’elle était, sa mère, ancienne fille de petite noblesse avant d’épouser un pêcheur, lui avait appris à lire. Pas toujours très douée, mais bon.

« J’espère que tu ne l’as pas volée à un ivrogne. C’est hargneux cette bête-là. »

Des mots acides dit avec une voix délicate. Charmant contraste.

Particulièrement ivre, Crazy Pat' errait sur la plage en chantonnant une chanson à boire sue laquelle lui et quelques pirates s'égosillaient il y a encore quelques heures. Une soirée comme il les aimait: Des litres de Rhum écoulés; une compagnie fumeuse mais sympathique emplis de pirates et autres raclures des mers; et ce qu'il aimait par dessus tout, ces bastons sans queues ni têtes qui mettait ses locaux sans dessus dessous! Mais ce soir, contrairement à ses habitudes, il avait pris part aux jeux de mains à défaut de n'être que spectateur, porté par l'alcool qui bouillonnait son sang. Une fois le grabuge terminé, laissant une dizaines d'ivrognes étalés sur le sol ronflant tout leur saoul en portant les séquelles des précédents affrontements amicaux sur leur visage, visage étiré par de larges sourires satisfait, Ernesto lui récupéra sa bouteille presque vide sur le sol avant de se diriger vers la sortie pour se retrouver maintenant, titubant, sur le sable encore chaud après avoir été gorgé du soleil tapant de Tortuga.

Torses et pieds nus, bouteille à la main, il s'adonnait à quelques monologues entre deux notes sur son chemin paraissant complètement sénile. Chemin qu'il n'avait dessiné au préalable, il ne savait ce qu'il faisait là ni où il allait, là était la vrai vie du vagabond qu'il était et il s'en satisfaisait pleinement. Mais la fatigue si fit de plus en plus sentir.. Ses pas devinrent lourd, s'enfonçant de plus en plus dans le sable; il ne chantait plus, dur de pousser la vocalise en haletant comme il le faisait; l'heure était venue de se coucher sur le sable et de se laisser bercer par les bras si doux de Morphée.

C'est là qu'une odeur l'intrigua. Il se leva brusquement, se tenant droit comme un piquet, le nez en l'air - rappelant la posture d'un suricate à l'affut que l'on pouvait trouver dans la jungle -.. Oui, cette odeur le plaisait définitivement et l'intriguait de plus en plus. Il rassembla donc ses dernières forces pour suivre ce fin goût fruité qui venait chatouiller malicieusement son odorat. Et c'est après quelques minutes de marches qu'il put en trouver la source: Un homme assis près d'un feu, tenant une de ces longues pipes traditionnelles contenant très sûrement des herbes hallucinantes dont il était amateur. Ce dernier était en charmante compagnie, une demoiselle dont il arrivait difficilement à reconnaître les traits avec la faible source de lumière qui caressait sa personne. Seul deux détails lui revint, une magnifique crinière aussi rousse que la sienne et une bouteille de Rhum à la main.

Un homme fumant du cannabis et une rouquine amatrice d'alcool?! Il regarda machinalement sa bouteille.. Il avait bu plus qu'il ne le pensait. Croyant à une construction de son imagination, Ernesto se dirigea vers ces personnes qu'il croyait fictives, un large sourire, sortant progressivement de la pénombre en écartant les bras, montrant ainsi sa bouteille de rhum de qualité.

- Bien l'bonsoir m'sieu dame! Dit-il d'une voix enjouée.

- Et. T’es du coin ?

Me demanda la demoiselle, avant de poser son regard analyseur sur la bouteille que je lui avais donné. Pour être franc je ne connaissais pas la réponse moi-même, mais qu'importe. Je lui en balbutiai une qui suffirait amplement pour pouvoir passer à autre chose. Toujours concentrée sur la bouteille, la miss ne sembla avoir que faire de ma réponse et enchaînait avec ce qui semblait l'intriguer le plus.

- Mhm, disons que pour le moment, oui.

- J’espère que tu ne l’as pas volée à un ivrogne. C’est hargneux cette bête-là.

- Je ne l'ai pas non plus volée..

- Bien l'bonsoir m'sieu dame!

On me coupa la parole. Habituellement, j'en aurais eu quelque chose à foutre. Mais pour l'heure, je préférai tirer une bouffée de fumée sur ma pipe indienne avant de regarder le nouvel arrivant de haut en bas, constatant que c'était ce tavernier qui m'avait offert cette bouteille, entre deux bastons, quelques heures plus tôt. Faut dire qu'il n'avait pas un physique commun. La miss non plus d'ailleurs. Ils étaient tous les deux adeptes des cheveux couleur de feu. C'était un nouvelle mode ou quoi? C'était toujours mieux que les perruques blanches qu'ont les bourges depuis des siècles pour se donner un air sérieux. D'ailleurs plus il était gradé plus la moumoute était épaisse. Une énorme blague. Quant au roux qui nous parvenait, celui-ci exhibait un large sourire ainsi qu'une bien belle bouteille dont la moitié du contenu si ce n'est plus était déjà consommée. Bien content qu'on vienne me rejoindre autour de mon feu, je rendis son sourire joyeux à mon locuteur avant de répondre à ses salutations.

- Eh yo, gringo! Viens donc t'installer avec nous!

Des questions restant visiblement vouées à ne pas avoir de réponses. C’était bien la peine qu’elle lui adresse la parole, tiens ! Espèce de sale type saoulard et sans intérêt. Enfin, peut-être qu’il en avait un peu, de l’intérêt. Sinon, pourquoi se serait-elle arrêtée auprès de lui, hm ? Bien sûr, la rouquine pouvait plaider l’ennui et la curiosité, bien que cette dernière ne soit pas une vertu, surtout par sur une ile telle que Tortuga. Alors oui, il lui restait l’ennui. Une bonne excuse n’est-ce pas ? D’un autre côté, qu’avait-elle à faire ici ? Entre faire tourner l’entreprise familiale à longueur de temps, s’user la santé sans avenir aucun et trainer dans ce trou perdu au beau milieu de l’océan… Séduire quelques marins dans l’espoir d’être abreuvée d’histoires fantastiques, de quelques pièces d’or, et pourquoi pas, la possibilité de quitter les lieux ? Ah. Quel beau rêve ! Relativement impossible et assurément irréalisable. D’autant plus qu’il était hors de question qu’elle se vende à qui que ce soit, même pour la liberté ! Ce serait tout de même ironique, alors qu’elle passait son temps à cracher sur le monde !

Ah, l’ironie.

La situation l’était aussi, qui plus est. Elle, Colombe de Castamere, en train de discuter de façon tout à fait badine avec un type qu’elle ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam. Le tout avec de l’alcool, pire encore. Oh oui, toute cette mascarade prêtait à rire, tant elle ne faisait pas le moindre sens. Et pourtant, c’était vrai. Le plus étrange dans la situation, avec cette étrange curiosité qu’elle nourrissait tout à coup à l’égard de sa personne, ce fameux « Wild ». Pfeuh, ridicule comme sobriquet, elle ne pouvait s’empêcher de le penser à chaque fois que sa pensée revenait sur ce dernier.

Et enfin, comble de la surprise, une réponse vint. C’était un peu flou, d’ailleurs. Pour le moment ? Mais qu’entendait-il par-là, exactement ? Oh, surement comptait-il s’en aller bientôt, peut-être bien. Elle ne risquait surement pas d’en être triste, étrangement. Un rat de plus ou de moins dans ce merdier, pourquoi en pleurer ? Cependant, sa réflexion fut vite balayée par la suite de leur conversation sans grand but ni aboutissant. Ah tiens, pas volée ? Vraiment ? Était-il donc un type honnête, espèce éteinte sur ce caillou crasseux ? La blague, vraiment. Elle ricana doucement d’ailleurs, reposant la bouteille dans le sable, contre sa cuisse dénudée.

Cependant, l’hilarité soudaine de la demoiselle cessa à l’intervention d’un nouveau rigolo. Cheveux roux et bouteille à la main suffisait à son observation. Encore un ivrogne. Elle était gâtée, dis donc. Grosse chanceuse, même. Deux imbéciles pour le prix d’un. Et encore, elle lui afficha un léger sourire, doux et charmant. Elle en avait pas mal en stock de ceux-là, nourris par l’hypocrisie et la rancœur qu’elle portait à l’existence de chaque personne du coin. Oh oui, Colombe était vaine et stupide, c’était un fait. Mais il fallait s’y pencher sérieusement pour s’en rendre compte.

Et, après avoir salué le type d’un signe de la main, rejetant sa chevelure derrière son épaule, le mouvement lui rappelant la brûlure qui s’était presque évanouie, elle prit la parole :

« Et quel est le nom de notre nouveau compère ? »

Elle en déduisait aisément qu’il devait connaître le noiraud, et glissa d’ailleurs son regard azur sur lui, un petit sourire canaille en coin :

« Une connaissance à toi ? A moins que tu ne sois nouveau ici ? »

Non pas qu’elle s’en souciait particulièrement, honnêtement. Mais bon.

Et, dans un mouvement souple, la jolie se redressa sur ses jambes, s’étirant tel un chat ayant passé trop de temps au soleil, engourdi par ses rayons. Un gémissemet de contentement dans le mouvement, avant qu’elle ne secoue sa crinière flamboyante, s’adressant aux deux hommes :

« Et boire est la seule chose que vous comptez faire ce soir ? Pourquoi ne pas s’amuser un peu ? »

Parce que bon. Rester là à contempler deux imbéciles n’était pas très distrayant.

Ernesto bien qu'il soit complètement ivre fut interpeller par l'appellation de l'homme à la pipe à son égard. ' Gringo ' était une expression de son pays natal, et pour désigner les étrangers de surcroît. Pourquoi cet homme l'appelait ainsi?

Connaissait-il son identité? Si c'était le cas était-ce pour tenter de faire la conversation sans savoir la véritable origine de cette expression ou était-ce au contraire pour le titiller sur ses origines en usant d'un humour difficile à cerner? Ou était-ce simplement un client de la Taverne qui l'avait entendu utilisé ce terme spécifique avec un client et l'avait reproduit sans même en savoir le sens? Quoi qu'il en soit, appelé Zapata ainsi était relativement paradoxal. Oui, vous l'aurez compris, une fois alcoolisé, le Tavernier adorait se torturer les méninges avec moult questionnements auxquels il n'aura aucune réponse. Il y répondit habilement dans sa langue natale après avoir laissé échappé un rire sénile.

Gracias naco!

Il s'installa donc lourdement sur le sable en poussant un puissant soupir de soulagement. Et à peine son postérieur s'était il installé que la jeune femme possédant la même teinte capillaire que sa personne lui demandait son identité et les éventuels liens qui pourraient l'unir à l'homme déjà présent. Totalement désinhibé et pris d'un élan de joie dû à l'ambiance particulièrement agréable qui régnait sur la zone, le nouvel arrivant partit dans un léger éclat de rire sans même le savoir avant de répondre.

Tu peux m'appeler Ernesto. Et pour répondre à ta question, il ne me semble pas avoir déjà vu ton partenaire auparavant, à moins de me tromper? En tournant le regard vers le concerné, un large sourire aux lèvres.

Il n'avait même pas pu répondre que la rouquine quitta son asseoir pour s'étirer, sûrement engourdie par sa position, faisant virevolter sa longue chevelure aux teintes de feu dans ses gestes. Elle leur proposait déjà de bouger alors qu'il venait de s'installer. Ça pouvait être contraignant, mais il faut dire que s'ils restaient assis autour d'un feu toute la nuit, l'ennuie pouvait rapidement prendre le dessus. Il ne pensait même plus à la Taverne qu'il devait fermer, porté par l'alcool.

Pour ma part, j'ai assez bu pour ce soir, donc pourquoi pas s'amuser un peu? Après reste encore à définir la source de cet amusement. Répondit-il en haussant les épaules, avant de rire. Il tourna la tête de nouveau vers le deuxième individu, un fin sourire étirant le coin de ses lèvres.

Qu'est ce que t'en penses, Naco?