Le chant des sirènes

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La marrée était basse et la mélodie résonnait dans la caverne, on pouvait entendre l'écho de dizaines de voix enchanteresses. Il parait qu'à cette période de l'année, les sirènes se réunissent au fond de cette caverne et fredonnent cette mélodie qui fait rêver les marins. On les entend en permanence, où que l'on soit, dans cette sombre caverne, sans jamais pouvoir les voir de ses propres yeux. Combien de marins s'y sont aventurés et y ont laissé la vie, engloutis par la marrée ?
Votre curiosité vous a poussé à franchir le cap et à venir écouter ce chant mystique qui résonne contre les parois de la caverne. Vous ne croyez peut-être pas à l'existence des sirènes, mais vous savez au fond de vous-mêmes que vous n'avez rien à perdre à venir jeter un oeil. Juste un petit peu.

Ce chant avait quelque chose d’inhumain. Un hymne qui charmait les oreilles d’une façon telle qu’il ne pouvait qu’amener la déchéance. Comme tant d’autres, Colombe le savait, l’on attribuait aux sirènes cette litanie envoutante. Et pourtant, bien qu’abreuvée depuis toujours de contes et d’histoires aussi macabres que merveilleuses, de marins emportés dans les tréfonds de la mer par ses succubes aquatiques, pour ensuite être dévorés, elle n’était pas certaine d’y croire.

Cependant, ses oreilles ne pouvaient lui jouer des tours.

Là, à l’entrée de la caverne, elle l’entendait bel et bien, l’écho lascif de ces voix énigmatiques se répercutait doucement contre les parois rocheuses. Ça avait des relents de piège, et pourtant. Dieu que cela pouvait être tentant ! La curiosité lui mordait les tripes, et la poussait à avancer, toujours un peu plus. Une torche à la main, allumée un peu plus tôt, et dont la flamme vacillant peignait la roche toute proche d’une lueur orangée.

L’idiote était au courant des dangers que l’on encourait en allant se perdre dans les galeries. Sauf que la faire de changer était perdu d’avance, d’autant plus que ni son père ni ses frères ne semblaient réellement se soucier de son absence. Tant mieux après tout, se passer de leur sales faces de rats décrépits ne pouvait que lui faire du bien. Assurément.

Alors, elle était là. Crinière rousse solidement nouée, torche à la main. Il faisait humide là-dedans, et l’eau déjà s’attaquait au vieux cuir de ses bottes, pas forcément les plus pratiques qui soient pour partir en exploration.

Avec toujours, ce chant mystérieux qui résonnait au creux de ses oreilles.

On se demande parfois si la vie à une réelle valeur dans ce bas monde. Chacun risque sa vie pour des causes qui n'en vaudraient pas la peine. Voler , emmerder ce soldat, naviguer, s'aventurer dans un lieu risqué. Tellement de causes différentes pourraient mener à une mort certaine. Mais ce risque fait partie de la vie et plus personne ne s'en soucie. La vie serait trop ennuyante si chacun s'enfermait dans une bulle de sécurité après tout.

Toi aussi tu n'aimais pas la sécurité. Tu aimais sentir ta poitrine se soulever lorsque tu angoissais, sentir ton coeur battre à pleine vitesse lorsque tu avais peur, avoir des frayeurs qui réveillaient chacun de tes sens. C'est ce que tu appelais vivre. Et aujourd'hui, ce qui t'appelait, c'était cette horrible caverne. Combien de vie perdue là bas ? Plus il y en avait , plus tu avais cette envie stupide d'y entrer. Les chants mélodieux et envoutants ne te laissaient pas vraiment le choix.

Tu brandis une torche enflammée vers l'intérieur aux bruits divers. Tu ouvris grand les yeux en avançant à l'intérieur. Allais-tu les voir les sirènes ? Aurais-tu enfin quelques histoires attrayantes à raconter à ces buveurs professionnelles de la taverne ? Etaient-elles horribles ? Avaient-elles des faciès tellement attirants que n'importe quelle personne succomberait ? Etaient elles écailleuses de la queue à la tête ? Avaient-elles une forme humaines ? Tellement de mythes à leur sujet ! Il fallait se faire discret.

C'était difficile. Tes yeux rouges et tes cheveux blancs étaient là une des rares choses qui se détachaient du décors. La discrétion avec de tes couleurs n'étaient pas des plus simples mais tu faisais comme tu pouvais et te décidas donc d'avancer. Ton pantalon d'homme te permettait plus d'aisence qu'une robe et tu remerciais cette invention. Il t'avait fallu dégotter un chemisier que tu décoras d'un corsage de cuir. Tu espérais que cela te permet simplement de te blesser moins facilement.

Ainsi, tu suivais la mélodie. Tu ne connaissais pas le chemin et espérais simplement déboucher sur le lieu où avec un peu de chance, tu pourrais les rencontrer.

Non loin devant, tu commenças à apercevoir une ombre vacillante. Tu t'empressas déteindre ton flambeau en marchant derrière les roches qui te permettaient un abris sûr. Tu n'avais pas perçu s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Encore moins de son rang. Mais tu ne préférais pas prendre de risque. Si cette personne était là, c'était certainement pour les mêmes causes que toi. Ainsi , tu la suivrais sans te faire voir.

Soudain, des rires s'immiscent dans le chant mélodieux des sirènes. On les entend, et les voix deviennent soudain plus humaines, plus naturelles, le rythme du chant s'accélère. Elles vous voient, elles entendent chacun de vos pas, chacun de vos souffles. L'une d'elles s'écarte du groupe et se promène dans les flots sombres, les écailles de sa longue queue créant d'étranges reflets sur les parois de la caverne.

Ce chant, ah ! Il était doux à ses oreilles, trop envoutant pour être vrai, et pourtant. Bercé par cette mélopée mystérieuse et intrigante, elle s’était lancée à corps perdu dans les entrailles même de cette caverne sans fond. Elle était trop curieuse, la Colombe. Et risquait fort de se mener d’elle-même à sa perte, si elle continuait sur cette pente fort glissante. Par ailleurs, les rochers sur lesquels elle évoluait présentement l’étaient tout autant. Et ses bottes étaient-elles de plus en plus gênantes, à tel point qu’elle finit par prendre un appui sur, pour les retirer, les abandonnant là. Tant pis. A pieds nus, elle était bien plus agile, de toute façon, et plus sure d’elle.

C’est là qu’elle remarqua quelque chose. Un semblant de silhouette, dans l’obscurité floue qui baignait les lieux et que sa torche ne pouvait pas atteindre. Une sirène ? Non, l’eau n’était pas de ce côté-là, ça ne se pouvait pas.

« Quelqu’un ? »

Sa voix raisonna légèrement, rapidement couverte par les champs envoutants des supposées créatures marines hantant les lieux. Oh, qu’elle rêvait d’en voir une ! Une vraie sirène. Surement étaient-elles magnifiques, comme elle l’avait tant de fois entendue de la bouche des marins. Dangereuses ou non, elle s’en foutait bien. Juste. Juste les voir. Comme un rêve qui agite son cœur et ses désirs.

Tout à coup, les voix se font plus folles, plus présentes. Un frisson vint mordre sa nuque, alors que ses doigts se resserraient un peu plus autour de la torche. Puis, tout à coup, sur la paroi un peu plus loin, un chatoiement soudain, quelque chose d’inattendu. Elle a le cœur qui cogne plus fort encore.

Sans réfléchir, la rouquine se rapproche un peu plus, malgré cette peur soudaine qui lui tiraille le ventre. Tant pis pour le danger.

Allons, elle n’était plus si loin. Attention aux rochers qui glissent.

La mélodie berça ton âme , l'enjôla au point de commencer à oublier la notion du temps. C'était tellement agréable que tu aurais aimé y rester une éternité. Y rester jusqu'à ce que ton âme face une overdose de cette mélodie qui te semble inlassable. Il est difficile de reprendre possession de son esprit lorsqu'une musique agréable s'en empare. Il en vaut pour toutes les musiques. Une fois lancée, difficile de s'arrêter.

Tranquillement pourtant tu continues ce que tu as débutée. Suivre cette ombre inconnue. Mince, repérée. Tu es sûre d'avoir déjà entendu cette voix mais pas moyens de savoir où. Difficile de se concentrer. Tu décides de continuer à avancer lorsque tout semble cesser. Les rires perdent leur magie. Tu restes un peu bête. Serait ce un mauvais tour qu'on te joue ou allais tu vraiment les voir ? Tu redresses ton corps afin d'être debout, à découvert. Ce que tu vois n'es sans nul doute le reflet de leur corps. Des couleurs magnifiques prennent places sur le mur tel un nouveau ciel dans un lieu couvert. Tu regardes plus loin que le bout de ton nez et te rends alors compte qu'il s'agit de Colombe.

«Colombe ! »

Tu t'avances d'un pas rapide mais manques de trébucher à deux fois avec tes chaussures. Tu te rattrapes vaguement à la cloison et attrape le bras de la demoiselle qui semble bien plus atteinte par les voix que toi à l'instant présent.

«Il est dit qu'elles sont dangereuses.»

Tu ne voudrais pas qu'il arrive le moindre mal à ton ami dans cet endroit enchanté. Mais on ne peut se fier aux rumeurs. Alors tu relâches son poignet. Finalement des risques vous allez en prendre, puisque une fois face au danger, vous serez toutes deux autant intriguées.

«Enfin, il n'est pas dit qu'elles s'en prennent aux femmes...~»

Pour le moment aucune sirène ne fut aperçue. Simplement le reflet des écailles. Cela pourrait être un gros poisson après tout. Même si les chants ne trompent pas.