u avais vingt trois ans, et on t'appelait capitaine.
Loin de l'effervescence estivale, un corps humide s'animait sous le frétillement de l'eau. Tu n'étais pas le genre de femme que l'on voyait souvent accompagnée. Ca avait toujours été dans ton intérêt de te constituer un masque impénétrable pour les autres comme pour toi, tu n'étais pas tout à fait experte en matière de socialisation. Tu appréciais la chaleur factice qu'apportait un groupe de matelot dont la loyauté s'avérait aussi fragile qu'une sculpture de cristal. La douce caresse du rhum s'écoulant le long de ton œsophage. A petite dose. Sans abus et sans excès.

A l'eau, la jeune gradée n'était plus rien. Tu n'étais que le va et vient de tes jambes, la rotation de ton buste, les battements lascif de ton muscle cardiaque. Tu n'étais plus que le picotement familier du sel marin sur ta peau, le froid mordant de l'onde aquatique. Il n'y av ait plus d'obligations, plus de contraintes, il suffisait simplement de battre des pieds, d'étirer ton corps comme une liane. S'approcher d'une vague tumultueuse, plonger, changer de trajectoire d'un simple balancement de ton bassin et repartir dans l'autre sens. Tu n'étais qu'une trajectoire préétablit, et ça suffisait amplement. Dans l'élément aqueux ton esprit n'était plus aussi agité, les soucis semblaient s'amoindrirent pour s'enfouir dans cette part endormie de ton psyché. Tout semblait secondaire, futile, exempt de toute importance. Quand tes pieds frôlaient le sable fin, que tes mains se perdaient dans la jungle de tes cheveux après que tu ais enfilé la chemise de ton uniforme, le monde se réinventait, et avec lui, ses complications.

D'ailleurs, la chasse au pirate reprenait. Parlez-en, de complication. Pirate est le nom que prennent les problèmes lorsqu'ils viennent sonner à votre porte avec un grand sourire et un désir ardent de vous dépouillez de tous ce que vous possédez. Il faudrait que tu te décides à longer la côte pour rejoindre ton navire et repartir sur les mers. Loin de Tortuga. Loin des forbans.

a rancœur.
Ce sentiment qui nourrit même les âmes les plus sombres. Un mécontentement, dégoût que laisse après elle la déception, une mésaventure, une expérience traumatisante. Dans ce cas-ci, peut-on parler de justice? Non, bien évidemment que non. Pour vous, il ne s'agit là que d'un simple caprice. D'un vulgaire ressentiment basé sur quelques mauvais souvenirs. Le genre de péripéties qu'on encourage notre prochain à oublié avec le temps. Oui, bien sûr, vous avez le droit de penser ainsi. Insensibles conformistes. C'est tout à fait sage, c'est même ce que souhaite les gens bien pensant.
Mais pas toi.

Toi. Cette jeune femme à l'air insolent et condescendant, celle qui se donne une attitude hautaine de nobliaute, alors que tu as passée bien plus de temps sur les mers que dans les grands salons.

▬ Davy Howell.

Mais Howell, n'était pas n'importe qui. Il s'agissait qui t'avait séparé de ta jumelle, ni plus ni moins. Dans le fond, qu'était-il pour ta noble personne? Des années passées sur les mers et ton aversion à son égard n'avait pas diminué d'un iota? Vaste plaisanterie que voila. Il a tout d'un ennemi et rien d'un allié. Et il est censé être ton sauveur? A croire que ton destin aimait se foutre de ta physionomie.

▬ Tu n'as définitivement pas changé.

Pourquoi une telle familiarité? Pour la simple et bonne raison que tu avais depuis longtemps cessé de le considéré comme une sombre figure sans nom et doté d'un risible suffixe: Le borgne. Sabre à la main -prenant légèrement appui sur la pointe de tes pieds-, tu levas ta main libre afin de repousser le chapeau de ton ainé vers l'arrière. Nonchalante de tes gestes et dans tes expressions, presque trop, même venant de toi.

▬ C'est à demander quand est-ce que la nature reprendra ses droits sur les dirigeants du Queen Annes' Revenge.