Un simple malentendu.

Il ne voyait pas d'autre explication. Absalon avait beau se torturer la caboche à tenter de se remémorer ces vingt-quatre dernières heures, sa mémoire restait muette. Il s'était réveillé, un brin éméché, sur un cargo de la Marine Royale, amarré au port de Santa Rosalia. Il avait d'abord cru s'être fait de nouveaux amis, avant de sentir le métal froid des fers à ses poignets. On l'avait ensuite tiré violemment du bateau, avant de l’emmener à grands coups de pieds dans le derrière, jusqu'au poste des soldats.

C'était ce genre de petits miliciens pas très futés, tout juste bons à recharger leur mousquet, qui "l'escortaient". Comment un pirate aussi intrépide que lui avait-il put se faire prendre par deux malheureux bleus tout juste sortis de la caserne ?!

« Messieurs ! C'est un effroyable quiproquo ! » lança-t-il en grand comédien qu'il était.

Pas un seul gardien des lieux ne lui accorda une oeillade. Ses deux geôliers pénétrèrent dans la petite cabane de bois à l'écart du trafic qui encombrait le port. Sans doute ces deux jeunes pourceaux n'avaient pas la moindre idée de qui il était - une chance ! - et comptaient aller consulter les registres de l'office de la Marine.

Nonchalamment, ils le laissèrent là, tandis qu'ils allaient vérifier le faux nom de "Bruy Stridge" qu'il leur avait donné. Quelques minutes comme une fenêtre entrouverte par laquelle il pourrait filer, s'ils n'avaient pas laissé un vieil éclopé à moitié endormi et son fox-terrier à l'oeil vif pour surveiller Absalon.

Celui qu'on appelait Le déchu avait pourtant fort mieux à faire que de zoner ici : les doigts de la main n'eurent pas suffit à compter la racaille qui espérait lui plomber la truffe à Santa Rosalia. Il aurait bien filé à l'anglaise, mais restait le sale cabot britannique qui le surveillait mieux que les gardes l'auraient fait eux-mêmes.

« Allez sale corniaud, va donc te trouver un os à mâchouiller ! Wouf, wouf !!! »

Et tandis que les passants témoins de cette mascarade le dévisageaient, le fox-terrier lui, montrait les crocs. Rester une dernière solution... prier pour l'arrivée salvatrice de son ange gardien.

« Dieu... j'n'ai jamais cru en vous. Mais si vous voulez que j'm'y mette... faites un geste ! Et vite ! »