Je m'en vais te parler de ce vieux flibustier de Absalon.

Crois-moi, j'ai tout vu passer sur Tortuga : des beaux parleurs, des fines lames, des gâchettes faciles... Mais voilà bien trois ans que la palme revient à ce vieux loup de mer. Il se saoule la journée et nous conte ses fables toute la nuit durant. Et le lendemain : il recommence ! Des légendes de marins couplées à des histoires de bonnes femmes, où se croisent sirènes, Marine Royale, Kraken et le Hollandais Volant. Allez le lui demander, et il vous répondra qu'il a déjà tout vu et tout fait.

Balivernes. Pas un de ceux qui l'ont croisé dans leur vie ne vous en feront le même portrait. Certains entretiennent son folklore, d'autres le démentent. Ce que j'en sais, c'est qu'avant d'être un forban, il servait la couronne d'Espagne, et qu'il fut parmi les colons ayant mis pied à Santa Rosalia. Pour autant que je sache, c'était un bon soldat, jusqu'à une mésentente avec un supérieur pour une histoire de bonne femme. Gracié par sa hiérarchie comme le serait un traître, déshonoré et sans le sous, il a pris la mer et sa liberté avec.

Dès lors, tout le reste n'est que rumeurs et discussions de comptoir : ses escarmouches avec la Marine, ses trésors cachés, ses îles découvertes... Je n'en crois pas un mot.

Parait qu'il aurait perdu ses hommes dans une embuscade tendu par la Marine Royale. Il en serait seul réchappé. Pour preuve dit-il, il n'arbore plus son superbe sabre qu'il aurait laissé dans la poitrine d'un ennemi. Des foutaises, je parie ma jambe de bois qu'il a enterré sa lame sur la plage d'un îlot que lui seul connait.

Une chose est sûre, désormais, c'est lui qui a la meilleure descente de l'île de Tortuga. Il hante la taverne en conversant tout seul, s'inventant chaque soir de nouveaux exploits, et en regardant de loin la nouvelle piraterie entreprendre ce qu'il n'a jamais put réaliser. Ah si, parfois, ivre mort, il gagne la plage et perd son regard dans le vaste or bleu qu'il aimerait, sans doute, parcourir à nouveau.