Un soupir. Voilà qui résumait bien ton humeur aujourd’hui. Tu t’étais encore une fois levée tôt pour une livraison. Mais pas n’importe laquelle : tu avais reçu une missive quelques jours auparavant te demandant de livrer trois tonneaux de rhum dans une cabane qui était censée se trouver à quelques pas l’orée de la jungle. Voyant la somme alléchante que l’on t’avait proposé pour le transport, tu n’avais pas hésité un seconde. Joint à la lettre, une carte un peu maladroite mais tout de même claire indiquait le lieu de la livraison.

Tu avais chargé les trois tonneaux sur ta charrette le matin, attelé les chevaux et étais partie. Ton voyage s’était passé sans encombre jusqu’à arriver près de la jungle. Le chemin indiqué sur la carte n’était pas accessible avec la charrette mais, puisqu’un chemin un peu plus large partait un peu plus à l’est, tu t’étais dit que tu n’aurais aucun mal à retrouver l’itinéraire indiqué. Cependant, à force de passer par des détours plus accessibles, tu t’étais retrouvée au milieu des arbres, totalement perdue.

Tu sentais la moiteur tâcher tes vêtements. Les cahots te causaient des douleurs dans le dos et tu ne savais même plus depuis combien de temps tu étais partie. Tu commençais à regretter de t’être laissée appâtée par quelques doublons supplémentaires et te demandais si tout cela n’était pas un canular. Les regrets et la soif t’enserraient. Tu savais que derrière toi, des tonneaux, si simples à ouvrir, n’attendaient que d’être bus… Mais, si cette livraison était vraie… Alors que le doute t’assaillait, tu te retournais, pour te laisser tenter par la boisson ou te gonfler de culpabilité ?

Mais, aujourd’hui, rien ne se passait comme prévu. Derrière toi, un tonneau gisait sans couvercle tandis qu’un malotru était allongé en buvant ta livraison. Tu ne pus rien dire d’autres qu’un

« Pour qui vous prenez vous pour boire ma livraison, vaurien ! »


d’une voix particulièrement faible et à l’indignation ridicule dans cette grande jungle.