« Mademoiselle est sortie, ne vous l'a-t-elle point dit ? »

Comme si Kobra était au courant de quelque chose. Si Maria devait sortir dans la ville, elle devait forcément être accompagnée par la jeune femme, son garde du corps si l'on peut dire, un protecteur féminin. Cependant, Maria était partie sele, telle une aventurière. La première idée avait été d'aller la chercher, même si il fallait le faire pendant des jours, si il arrivait quelque chose à cette jeune femme de la noblesse, de un : elle ne pourrait pas se le pardonner et de deux : elle risquait de se faire tuer par la famille.

Les rues étaient décidément bien peuplés, on pouvait y retrouver des personnes en tout genre, notamment des bandits ... Des pirates ... Des personnes que Maria ne devait en aucun cas rencontrer. Kobra continuait sa route pour tenter de voir une chevelure bleue parmi les passants. Peut-être qu'elle avait mis sa capuche pour rester discrète, mais connaissant Maria ... Cela l'étonnerait. Elle hésitait à demander des renseignements aux passants, de peur de recevoir la plus idiote des réponses. Elle continuait sa route avant de remarquer que Dieu était bien avec Kobra. C'était Maria en larme, dans le fond, ça n'étonnait pas la jeune femme. Sans plus attendre et en voyant la meute de mâle arriver, Kobra prenait la main de la demoiselle pour l'emmener dans des petites ruelles plus sécurisées. A droite, à gauche, gauche puis gauche ... Elles se retrouvaient enfin dans un quartier plus "noble". Sans lâcher la main de Maria, Kobra se retourna vivement en la foudroyant du regard.

« Êtes-vous folle ? Se balader seule dans cette ville remplie de malade ! »

Ce n'était pas le moment de faire la révérence ou autre chose de ce genre. La demoiselle aurait pu mourir dans des conditions horribles et douteuses, les viols et les meurtres ne sont pas une nouveauté ici.

« Je me suis inquiétée comme une folle lorsque j'ai appris votre départ pour la ville. Mais pourquoi ? Pourquoi être sortie sans moi ? »

Elle ne la comprenait définitivement pas.

Décidément, vous me réservez bien des surprises Maria. Maintenant, elle savait que se balader sans avoir une personne sur qui compter pour vous protéger était mortel. Maria était une fille épanouie, heureuse de vivre ... Mais il est mieux de vivre à l'extérieur que dans une cage dorée.

« Maintenant vous le savez : c'est l'aller unique en enfer. »

Il n'y avait pas d'autres mots pour dire ça. Qu'aurait-elle fait si elle n'avait pas croisé Kobra quelques minutes plus tôt ? Les hommes qui la poursuivaient lui auraient fait les pires tortures que l'ont puisse imaginer. Kobra posa sa main sur son front d'un air désespéré tout en lâchant le bras de la jeune fille.

« Ce n'est pas un jeu, mademoiselle. Je vous en conjure, ce n'est pas en connaissant le monde depuis les contes et les histoires que l'on connait tout du monde extérieur... Et je sais de quoi je parle. »

Kobra n'était pas la fille d'une famille noble pour rien. Doucement, elle posa sa main sur la tête de Maria avec un léger sourire aux lèvres.

« Appelez moi si vous voulez aller faire un tour dehors. Ou apprenez à vous défendre. »

Kobra était ébahie face à la demande de Maria. Sur le coup, elle ne disait rien, se plongeant dans une grande réflexion. Était-ce une bonne idée de laisser une jeune demoiselle manier les armes ? Quelle idée, Kobra a bien débuté cet art dès ses douze ans.

« Mais est-ce que votre famille sera d'accord au moins ? »

La jeune femme amena la demoiselle à s'asseoir sur un bas, elle devait bien être essoufflée après cette course poursuite.

« Je ne vous dirai point non. Cependant, cela nécessite beaucoup d'énergie et de volonté. »

Avant de reprendre sa conversation, elle s'installa à côté de Maria tout en se coiffant les cheveux, jusqu'à pouvoir faire une queue de cheval.

« Il ne suffit pas de se défendre, mais il faut connaître ce monde ... Il y a beaucoup de chose à savoir. Sur ce point, je peux toujours vous informer quand je viendrai chez vous. Si j'ai appris à vivre dans ce monde, c'est parce qu'il le fallait et que Georges était avec moi pour m'accompagner. »

« Une sorte de Georges, dites-vous ?»

Il a été son éducateur depuis ce fameux jour, oui. Cet homme connaissait bien des choses de la vie, Kobra ne les connaissait pas tous. Et pourtant, Maria lui demande ça. Pourquoi refuser ? C'était bien son boulot, d'apprendre aux passants à combattre, tel un maître d'armes.

« Il faudra trouver une excuse pour venir me voir tous les jours, j'ai peur qu'à la fin, votre père ou votre mère se doutent de quelque chose. »

Les yeux rivés vers le ciel, elle tentait de chercher une solution à ce problème. Venir trois fois par semaine peut tout à fait convenir ... Mais l'art de l'épée ne s'apprend pas en trois mois. Avant de reprendre le sujet de la conversation, Kobra était curieuse sur un point concernant la demoiselle.

« Malgré les horreurs qu'ils commettent, malgré leurs actes illégaux et interdits ... Pourquoi adorez-vous tant les pirates ? »

Elle aimait avoir une nouvelle fois sa version des faits.

Sa réponse ne l'étonnait pas. Combien de fois Maria lui avait dit qu'elle voulait quitter ce nid douillé pour en construire un nouveau de ses propres mains ? Kobra ne pu s'empêcher de sourire. Elles se ressemblaient, pour sûr.

« J'accepte alors. Pour le prix, je ferai une exception là dessus car souvent, mes cours ne sont pas donnés. »

Et nous vivons dans la pauvreté. Enfin c'est une façon de parler, car en voyant la tenue de Kobra, on se doute fort qu'elle soit l'une des simples habitantes de Santa Rosalia. Je suis l'exception de la noblesse.

« J'étais comme vous à l'âge de sept ans. Donc je peux comprendre à quel point la liberté peut-être jouissive. »

Après cela, Kobra se leva et sentait un vent frais caresser sa nuque, sa chevelure, un peu de tout en fait. Elle se retourna vers la demoiselle en se mettant à genoux, en se mettant à sa hauteur, tel un chevalier.

« Désirez-vous quelque chose à boire ou à manger ? »

Mère poule ? Peut-être.

Cette fille était une bombe. Une bombe qui ne pouvait pas rester en place. Son petit sourire charmeur suffisait à Kobra de retrouver aussi la joie et la bonne humeur en elle, même si elle le montre que très peu. Après la proposition de Kobra, les deux femmes se dirigeaient vers un petit café fort sympathique, un café que Maria adorait fréquenter. Elles s'installaient toutes les deux à une table avant que Kobra prenne sa commande.

« Un thé anglais pour moi. »

Maria pouvait choisir ce qu'elle voulait, pour une fille de noble, elle avait le choix.

« J'espère que vous aurez de l'endurance, car c'est ce qu'il faut pour un bon entraînement. Souvent, les demoiselles comme vous sont aussi fragiles qu'un vase de Chine. »

Kobra posait ses mains sur la table ainsi que son épée. Même si elles se trouvaient dans une une boutique pour les nobles, on ne sait jamais si les serveurs ne sont que des satanés voleurs. Kobra se méfiait énormément.

« Admirez-vous un pirate, mademoiselle ? »

Cette question avait été posée discrètement, les murs ont des oreilles et on ne sait jamais ce qu'il peut nous arriver ici si on venait à parler de pirate et de torture à souhait.

Molly Rainworth, hein ? La jeune femme l'écoutait attentivement. C'était amusant d'avoir le point de vue d'une autre noble qui a l'esprit plutôt "libre" qu'enfermé. Elle fronça des sourcils en remarquant les regards pesants sur les deux jeunes femmes.

« La prochaine fois, parlez moi fort ... Et c'est vrai, j'apprécie Molly Rainworth. Concernant le capitaine du Royal Fortune ... »

Kobra portait sa tasse à ses lèvres pour en déguster le contenu. C'était succulent.

« Je ne sais que très peu de chose sur lui, un pirate qui traîne par ci, par là ... Mais cela doit être intéressant d'aller à sa rencontre. »

Elle fixait le thé au fond de sa tasse, elle le faisait tourner comme un typhon. Plongée dans ses pensées ? Un peu.

« Dites moi, croyez vous qu'un pirate noble existerait ? »

Cela parait bizarre comme question, mais personne ne se l'était posée. Soudainement, Kobra tapa des mains comme si elle venait de se souvenir de quelque chose.

« Dites à vos parents que courir tôt tous les matins dans votre jardin pendant bien vingt minutes, cela vous donnera la silhouette de vos rêves et de cette façon, vous ferez craquer tous les nobles de l'île. Cela peut-être une bonne excuse pour entraîner votre corps fragile sans ma présence. Mais cela n'est qu'une idée. »

Kobra avait tendance à poser toutes ses questions d'affilé ... Ce qui n'était pas digne d'une jeune noble, mais passons, elle ne l'était plus. Kobra posait sa tasse chaude sur la table après avoir entendu la bonne question de Maria. Sur le coup, Kobra ne pu s'empêcher de lâcher un petit rire, rien de bien méchant.

« Pourquoi pas moi ? Je ne sais pas. Je n'ai jamais rien manqué ici, donc voler des bateaux ou des trésors ne me serviraient strictement à rien du tout. »

Même si elle était ancienne noble, elle avait réussi à obtenir la valeur nécessaire à sa survie, et cela dure depuis qu'elle est venue ici.

« Même si je désire être un pirate comme Ragüel .. Je ne sais pas. »

Kobra toussa légèrement avant de s'étirer.

« Je vous propose de venir chez moi demain pour un premier entraînement à 7h. Cela vous convient-il ? »

A moins que mademoiselle soit feignasse ?