Partir. Oui, quitter cette île misérable et sa population pouilleuse était une option qui lui paraissait de plus en plus être la seule viable. Simplement, il y avait bien trop de choses qui la retenaient ici. Ne serait-ce que la pêche, et surtout, sa famille. Et ne parlons même pas du fait que son père était tout à fait capable de payer des types pas très nets pour la retrouver. Il fallait dire que le vieillard était un peu trop attaché à son unique fille pour la laisser filer sans dire mot. Ah, autant enfant elle avait pu trouver ça plaisant, u papa qui se souciait ‘elle, autant en grandissant, elle s’était mise à le haïr pour ce même fait. Et ne parlons même pas de ses frères ! Ah, ces deux-là, avec leur QI d’une poule morte et leur utilité à la hauteur de celle d’un bigorneau. Autant dire qu’elle n’était pas gâtée. Au fond, il n’y avait que sa douce et tendre mère qui gardait une réellement place dans son cœur.

Si c’était pas malheureux, ça.

Mais cela ne changeait pourtant pas les faits. Elle voulait partir d’ici, connaître autre chose que le soleil de plomb et l’eau salée, la pêche et les entrailles de poissons qui s’entassaient. Elle rêvait un peu trop, à vrai dire. Beaucoup trop pour que ce soit sain, et pourtant. Elle n’avait pas le choix, c’était soit ça, soit devenir comme eux. Quelque chose qu’elle ne se permettrait jamais, elle et sa si haute opinion d’elle-même. Colombe n’était pas née pourvue de modestie, et surement finirait-elle ses jours sans. Qu’importe, elle n’en avait pas besoin. Comme de la gentillesse sincère, tiens. Oh non, elle se délectait bien trop dans l’hypocrisie et la méchanceté dissimulée pour ça. Les faux semblants, tout autant que ces sourires si doux qu’elle affichait, et qui n’étaient que masques pour mieux couvrir la réalité.

Il était tôt, si tôt que le soleil lui-même n’avait pas encore pointé le bout de son nez. La jolie n’aimait que peu se lever si tôt, mais comme bien souvent, c’était à elle que revenait la tâche de pêche matinale. Seule pour changer, n’envisageant de toute façon pas de compter sur quiconque des trois hommes censés faire tourner le business familial.

Elle s’y était donc attelée, la tête ailleurs, perdue dans les dernières étoiles qu’on voyait encore, l’air frais du large se glissant vicieusement dans sa tignasse rousse, histoire de l’emmêler un peu. Elle rêvassait oui, jetant les filets et les récupérant, chantonnant un vieil air de pirates, entendu à la taverne une fois ou l’autre. Puis vint le moment de retourner vers la côte. Toujours aussi distraite, de l’eau sale et poissonneuse jetée par-dessus bord sans trop faire attention, ailleurs.

Et une voix.
Ainsi que du mouvement qui tira à la rouquine un sursaut de surprise. Avant qu’elle ne se fige, le regard rivé sur la silhouette à présent face à elle. Le minois affichant une expression entre l’effroi et la surprise la plus complète. Et, perchée encore sur son embarcation, face à cet être au faciès se révélant être effrayant à la lueur timide de l’aurore, elle ne trouva rien de mieux que de tenter de faire bonne figure, idiote qu’elle était.

« Hm. Désolée, je… Je ne vous avais pas vu. »

Le tout d’une voix mal assurée, sourcils froncés et mirettes azur ne sachant si elle rêvait ou non.

« Dormir là n’est pas vraiment une bonne idée… »

Et en mains, elle avait toujours le seau usé, que ses doigts crispés serraient plus que nécessaire.